Biographie de Léo Ferré

L'enfance

Fils de Joseph Ferré et de Marie Scotto, couturière d'origine italienne, il a une sœur Lucienne, de deux ans son aînée.

Léo Ferré s'intéresse très tôt à la musique. A l’âge de sept ans, il intègre la Chorale de la Maîtrise de la Cathédrale de Monaco, et y apprend le solfège et l'harmonie. Il découvre la polyphonie au contact des œuvres de Palestrina et de Tomás Luis de Victoria. Son oncle, un violoniste du casino de Monaco, lui fait découvrir Beethoven et le fait assister aux répétitions et à la représentation du Concerto pour la main gauche à l'opéra de Monte-Carlo, en présence de Ravel. Ces deux expériences vont le marquer durablement. 

À neuf ans il entre chez les Frères des Écoles chrétiennes au collège Saint-Charles de Bordighera en Italie, où il restera en pension pendant huit longues années. Il racontera cette enfance mise en cage dans un livre : Benoît Misère (1970). En 1926, il compose sa première mélodie sur un poème de Verlaine : Soleils couchants. En 1930, à 14 ans, il compose le Kyrie d'une Messe à trois voix.

De retour à Monaco, il rencontre Antal Dorati, Mitropoulos qui dirige l'Orchestre philharmonique de New York et Léonid Sabaniev, un élève d'Alexandre Scriabine qui lui fait travailler le piano. Il obtient son baccalauréat de philosophie au lycée de Monaco, et se lie d'amitié avec Maurice Angéli. Il devient pigiste pour le journal Le Petit Niçois comme critique musical.

Ses années de formation 

En 1935, il vient à Paris pour y faire des études de droit. Il est diplômé de l'école libre des sciences politiques en 1939. De septembre 1939 à août 1940, il effectue son service militaire. Pendant la guerre, il est affecté à l'infanterie et dirige un groupe de tirailleurs algériens.

Après la défaite de 1940 il est démobilisé et revient à Monaco. À l'occasion du mariage de sa sœur, il écrit un Ave Maria pour orgue et violoncelle, qui est joué à l'église Saint-Charles de Monaco. Suivront deux autres œuvres d'inspiration religieuse, un Benedictus et un Agnus Dei.

En 1941, il commence à composer des chansons et se produit au Théâtre des beaux-arts de Monaco sous le pseudonyme de Forlane. C'est à cette époque qu'il prend la double nationalité monégasque et française.

À la fin d'un concert à Montpellier où se produit Charles Trénet, il lui présente trois de ses chansons, mais celui-ci lui conseille de ne pas les chanter lui-même et d'écrire pour les autres.

En 1943, Léo Ferré épouse Odette Shunck qu'il avait rencontrée en 1940 à Castres. Il s'installe dans une ferme à Beausoleil, sur les hauteurs de Monaco. La même année il devient un temps speaker, régisseur, pianiste, bruiteur et balayeur pour Radio Monte-Carlo, et continue de se produire dans des cabarets. C'est ainsi qu'il rencontre en 1945 René Baër et Édith Piaf qui lui conseille de monter à Paris.

Ses débuts à Paris 

En 1946, Léo Ferré s'installe dans la capitale où il rencontre Francis Claude, avec qui il écrira La vie d'artiste. Il est engagé pendant trois mois au cabaret le Bœuf sur le Toit. Il y fait la connaissance des Frères Jacques et du duo Roche-Aznavour. Il interprète ses premières chansons importantes : Le bateau espagnol, La chanson du scaphandrier, Le Flamenco de Paris entre autres.

Un événement marquant est sa rencontre avec Jean-Roger Caussimon à Montmartre qui devient un de ses complices et l'auteur de certains de ses premiers succès comme Monsieur William.

Pour Ferré, c'est une époque financièrement difficile. Il a du mal à joindre les deux bouts et demande de l'aide à son père. Il se sépare de sa femme Odette qui ne supporte plus ces conditions de vie, cela lui inspire en 1950 la chanson La vie d'artiste qui relate ses années de vache maigre.

Premiers succès 

Pour se faire connaître, Ferré s'efforce de placer quelques-uns de ses titres chez les interprètes de l’époque : Édith Piaf, Renée Lebas, Yvette Giraud, Henri Salvador, Les Frères Jacques.

Renée Lebas fait connaître Ferré en interprétant Elle tourne la terre. Elle créera aussi L'île Saint-Louis et surtout Paris-Canaille, dont l'enregistrement par Catherine Sauvage sera le premier grand tube de sa carrière.

Ferré continue de se produire dans les cabarets de la rive gauche : Les Assassins, le Milord l 'Arsouille, les Trois Mailletz, où il partage l'affiche avec Catherine Sauvage qui sera l'interprète privilégiée de sa musique.

En 1947, il rencontre les anarchistes espagnols exilés de la guerre civile et du franquisme avec qui il se lie d'amitié. Il effectue une tournée en Martinique. Il écrit la chanson Mon Général. Durant 1 minute, il adhère au Parti communiste.

En 1948 avec Eddy Marnay, il écrit Les amants de Paris pour Édith Piaf et en 1950 enregistre son premier disque pour Le Chant du Monde en s'accompagnant au piano. Il travaille à la radio nationale en qualité de programmateur d'une émission intitulée Musiques byzantines. En 1950, il joue le rôle d'un pianiste dans un film La Cage d'Or de Basil Dearden.

La période Odéon 

Sa rencontre avec Madeleine Rabereau amorce une nouvelle direction dans sa vie et sa carrière, elle devient son mentor et influe sur ses choix artistiques. Ils écrivent De sac et de corde une pièce pour la radio qui sera interprétée par Jean Gabin comme récitant et Léo Ferré dirigeant l'orchestre et les chœurs de la radio nationale.

Ils se marient en 1952, pour Ferré c'est la fin des temps difficiles, des artistes comme Henri Salvador et Yves Montand interprètent ses chansons et le label Odéon lui signe un contrat d'enregistrement. Il se lie d'amitié en 1952 avec Lucien Morisse. En octobre 1953, il réenregistre au piano, les chansons déjà enregistrées en 1950, pour Le chant du Monde.

Son premier disque pour la firme comprend des titres comme Monsieur William, le Pont Mirabeau (poème d'Apollinaire), et Paris-Canaille, suivi de nouveaux titres en 1954 avec Le parvenu, Le piano du pauvre et L'homme.

Il compose aussi un oratorio : La Chanson du mal aimé sur un texte d'Apollinaire, qui sera créé à l'Opéra de Monte-Carlo le 29 avril 1954 sous sa direction, et sous le patronage de Rainier III de Monaco. La même année, il est en première partie de Joséphine Baker à l'Olympia. Il rencontre l'accordéoniste Jean Cardon, qui devient son accompagnateur privilégié jusqu'à la fin des années 50.

1955 est l'année de la consécration il est programmé en vedette à l'Olympia pendant vingt soirées. C'est une année très productive, qui voit l'enregistrement de nouveaux titres Vise la réclame,Monsieur mon passé, Le guinche et met en musique l'un des grands textes de la poésie médiévale avec Pauvre Rutebeuf. Il rencontre André Breton.

Il écrit son premier recueil important de poésie intitulé Poètes, vos papiers . En 1956, il lit le Roman inachevé de Louis Aragon dont il met dix textes en musique.

En 1957, il met en musique des poésies extraites des Fleurs du mal de Charles Baudelaire et enregistre son oratorio La chanson du mal aimé. Il rencontre la même année Paul Castanier, qui devient son pianiste, et Maurice Frot, qui devient son secrétaire.

Les deux années qui suivent voient l'enregistrement de ses deux derniers albums pour le label Odéon, avec des titres, comme Mon Sébasto, Les copains d'la Neuille, et Le temps du tango. En 1958, c'est son premier passage à Bobino. Il rencontre en 1958 Bernard Dimey, et en 1959 Hubert Grooteclaes qui devient son photographe et son ami.

Barclay première manière 

En 1960, Léo Ferré fait partie avec Charles Aznavour, Henri Salvador et Dalida, de l'écurie Barclay, bientôt rejoint par Jacques Brel. Son directeur artistique est Jean Fernandez. Il enregistre son premier album Paname où l'on trouve Comme à Ostende (paroles de Jean-Roger Caussimon), Jolie môme qui sera aussi interprétée par Juliette Greco, ainsi que la chanson titre.

L'année suivante il consacre un nouvel album à un poète, cette fois-ci il choisit d'interpréter des textes de Louis Aragon, la chanson la plus marquante de ce disque est L'affiche rouge.

Il chante au Vieux Colombier, puis fait un triomphe lors de son spectacle en vedette à l'Alhambra accompagné par l' orchestre dirigé par Jean-Michel Defaye, il y chante ses succès et aussi des inédits comme Les temps sont difficiles.

Après avoir vu un numéro de chimpanzé en première partie de son spectacle Léo et sa femme adoptent une femelle qu'ils nomment Pépée, ils recueilleront ensuite d'autres animaux. Il achète l'Île du Guesclin, près de Cancale. C'est le début d'un amour-passion pour la Bretagne, qui lui inspirera un cycle de compositions, qui paraîtront dans Poètes, vos papiers, dont le plus représentatif est le célèbre "La Mémoire et la mer"..

En 1962, il fait un récital à l'ABC. Il écrit la préface des Poèmes saturniens de Verlaine. L'album Flash Alhambra - ABC est rapidement retiré de la vente. La chanson Mon Général déplaît aux autorités. En 1963, il achète le Château de Pechrigal, dans le Lot, qu'il nomme « Perdrigal ». Il vivra dans cette vieille bâtisse qui, selon lui, était un château malheureux (dû en partie aux dégâts de Pépée), avec son épouse et sa ménagerie, retiré de la vie parisienne. Le « Léo Ferré châtelain » lui sera beaucoup reproché, il s'en défendra vivement en disant que tout le monde appartenait au système, et que les artistes eux aussi avaient le droit d'avoir de l'argent.

En 1964, il enregistre un double album de poèmes de Verlaine et de Rimbaud, qu'il a mis en musique. L'année suivante, il effectue un récital à Bobino, et écrit la préface du livre de Maurice Frot le Roi des Rats. En 1967, Barclay supprime la chanson À une chanteuse morte (Edith Piaf) sur son nouveau disque. Il écrit dans la collection Poètes d'aujourd'hui de Seghers un livre sur Caussimon. Son nouveau directeur artistique est Richard Marsan.

En mars 1968, il quitte le Lot. Le 7 avril, Pépée est tuée par un voisin d'une balle dans la tête tout comme Zaza, un autre chimpanzé, sur ordre de Madeleine qui liquidera tous les animaux, en les donnant aux voisins ou en les tuant. Léo Ferré ne pardonnera pas à Madeleine, sa femme, il chantera Pépée en 1969 et Zaza une chanson beaucoup plus explicite où Léo Ferré « se venge » qu'on retrouvera bien plus tard dans l'album posthume de Léo : Métamec. Le 10 mai, il chante à la Mutualité pour les anarchistes comme il le fait chaque année depuis 1948. Il part vivre en Lozère, puis en Ardèche.

Barclay seconde manière 

En 1969, il rencontre les Moody Blues et écrit Solitude. C'est aussi l'année de la rencontre historique au micro de François-René Christiani de RTL de Brassens, Brel et Ferré. C'est extra devance les Beatles au hit-parade. Il chante au Don Camillo, rue des Saint-Pères, où il rencontre régulièrement Jane Birkin et Serge Gainsbourg. Il effectue aussi la même année une série d'entretiens avec Michel Lancelot sur Europe 1.

Il part s'installer définitivement en Toscane en 1970, enregistre le Chien avec le groupe français Zoo et surtout son chef-d’œuvre, le double album Amour, Anarchie. Il effectue une série de récitals intitulés Un Chien à la Mutualité. Le 21 octobre il enregistre Avec le temps.

Il se produit pour la première fois en 1971 au théâtre Toursky de Marseille. Il écrit Il n’y a plus rien pour un film qu'il a en projet. 1972 signe son retour à l'Olympia, où il ne s'est pas produit depuis 1955. Il effectue une tournée au Liban. Il participe à un concert avec Brassens contre la peine de mort. En 1973, il participe à un concert de soutien au journal Libération, écrit Allende, et enregistre le disque Et basta !. En décembre, il épouse Marie-Christine Diaz au consulat de France à Florence.

La période toscane 

En 1974 il effectue un concert au festival de Vence avec Ivry Gitlis, et donne durant cinq semaines à l'Opéra comique la chanson du Mal-Aimé, et Et basta !. En 1975, il réenregistre le disque Ferré muet, et dirige pendant 5 semaines l'orchestre des Concerts Pasdeloup. Il y interprète ses chansons, et des musiques de Ravel et Beethoven. L'année suivante, il effectue une tournée en Algérie. Il signe chez RCA.

En 1981, malgré la proposition d'un cachet substantiel et la promesse faite par Roger Hanin de mettre un orchestre symphonique à sa disposition, il refuse de soutenir la campagne présidentielle de François Mitterrand. Il dédie à Bobby Sands et à ses amis de l'IRA la chanson Thank you Satan.

Il refuse en 1987 d'être l'invité d'honneur des premières Victoires de la Musique et entame une nouvelle tournée marathon en France, Allemagne, Autriche, Italie, Belgique, Canada et Japon. Jean-Louis Foulquier organise une Fête à Ferré dans le cadre des Francofolies de la Rochelle ; Jacques Higelin interprete pour l'occasion une version de "Jolie môme" « survitaminée ». L'année suivante, il refuse une nouvelle fois de soutenir la candidature de Mitterrand et appelle à l'abstention. Il effectue une tournée en France, au Canada, en Espagne, au Maroc, et un récital au TLP.

En 1989, Léos Carax lui propose d'écrire la musique du film Les amants du Pont-Neuf. En 1990, il chante avec Renaud, et Francis Lemarque à Bercy pour la fête des 70 ans du Parti Communiste. En 1991, il signe en compagnie de Renaud un appel pour la Paix maintenant contre l'intervention militaire dans le Golfe. Il effectue en début d'année 1992 une tournée en France et en Belgique.

Hospitalisé fin 1992 il doit annuler sa rentrée parisienne au Rex, il décède le 14 juillet 1993 à l'âge de 76 ans.




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